Fred Nagorny répond à la question d’Arthur, petit journaliste franceinfo junior : Comment on fait un dessin animé ?
La podcast de l’interview est disponible sur le site de franceinfo et sur la page www.1jour1actu.com/culture/comment-realise-t-on-un-dessin-anime.
Production de l’émission : Estelle Faure @estellefaure.
Transcription de l’interview
Céline Asselot: On pourrait dire que c’est un petit peu l’équivalent du Festival de Cannes, mais pour les dessins animés, le Festival du Film d’animation ouvre ses portes aujourd’hui à Annecy. Et c’est l’occasion de découvrir les coulisses de ses films avec vous. Frédéric Nagorny, bonjour.
Fred Nagorny: Bonjour
CA: Vous êtes professeur en animation à Gobelins, l’école de l’image. Et dans la rédaction de France Info aujourd’hui, il y a des élèves de CM1 et CM2 de l’école du Bois Saint-Denis, c’est à Chantilly. Écoutez, la première question vous est posée par Arthur.
Arthur: Comment on fait un dessin animé ?
FN: Le principe du dessin animé c’est de dessiner, comme son nom l’indique, et puis d’essayer de faire vivre des personnages. On les fait bouger par le dessin. Alors aujourd’hui, il y a deux techniques principales qui sont utilisées de manière massive, on va dire. C’est la 2D numérique, on dessine numériquement aujourd’hui. On peut encore dessiner à la main sur papier, on va dire.
CA: Ça existe encore ?
FN: Ça existe encore, mais plutôt pour des films un peu particuliers, des films d’auteurs. On a un film, par exemple, qu’on a fait pour Annecy, qui est intégralement sur papier. Et puis alors l’autre technique, évidemment, c’est la 3D qui s’est développée depuis, on va dire, une vingtaine d’années.
CA: Une question de Pauline.
Pauline: Combien de personnes réalisent un seul film ?
FN: Alors ça, c’est très variable parce qu’on peut faire, sur une publicité ou un film très court, on peut avoir des équipes réduites. Si je prends l’exemple de l’école, en fait, on doit faire des petits films pour Annecy, pour le festival. Donc on fait cinq films tous les ans. En fait, les étudiants font cinq films tous les ans. Et bien, on constate qu’ils font à peu près, on va dire, en cinq mois de production, ils ont cinq mois de travail. Et ils sont, on va dire, cinq, six personnes, vous voyez, pour faire un petit film de 30 secondes.
CA: Une question d’Arthur.
A: Combien de temps ça fait pour faire un dessin animé ?
FN: Et bien, entre le moment où on a la première idée, le moment où ça arrive sur l’écran. Oui, alors, en fait, souvent les films vont mettre… si je pense à Funan (cf interview RFI) , par exemple, qui vient de sortir, en fait, qui est un long métrage plutôt dessiné aux adultes, mais qui est dessiné en 2D, lui, entre le moment où le film est sorti et la première idée, en fait, c’était, il a dû mettre 7-8 ans, quoi, à peu près.
CA: Ah oui.
FN: Mais parce qu’il a fallu trouver le financement, il y a toute une série d’étapes intermédiaires qui ne sont pas vraiment de la fabrication. Une fois que le financement est fait, on a l’argent et on peut, à ce moment-là, embaucher l’équipe. Et là, par contre, les délais de fabrication sont quand même plus réduits. Je vous dis, c’est de l’ordre de deux ans pour un long métrage, par exemple.
CA: Allez, on va poursuivre avec cette question. Vous allez voir un peu plus technique de Pauline.
P: Comment on fait pour enchaîner les images pour un dessin animé ?
FN: Alors, l’étape est un peu particulière. C’est-à-dire qu’on dessine évidemment chaque dessin, mais le problème, c’est qu’on veut voir ce que ça donne. Donc, il y a différentes étapes pour pouvoir contrôler la qualité du mouvement. En fait, ce qui est très agréable pour le public, c’est que le mouvement soit correct, soit juste et soit crédible. Et donc, la qualité de mouvement, on l’obtient, une fois qu’on a fait quelques dessins, on fait un line-test. Ce qu’on appelle un line-test, c’est une sorte, on pourrait traduire par “test de ligne”. C’est-à-dire, on va faire un “test de ligne” où on va filmer chaque dessin, image par image, avec une caméra. Un dessin va être, par exemple, photographié ou visualisé trois fois de suite, trois images de suite dans un film. C’est ce qu’on peut voir quand on a un DVD et puis quand on lit un DVD, on le met sur pause et puis on fait avancer image/image. Et on voit bien que certaines images sont doublées, d’autres triplées. Et donc, c’est un peu l’idée. Le line-test, ça permet de visualiser, de faire un mini-film, en fait, des premiers dessins. Et au fur et à mesure, on voit bien que le mouvement, s’il est correct, on continue de rajouter des dessins qu’on appelle intermédiaires entre ces différents dessins clés qu’on a fait, qui sont l’enveloppe du mouvement. On peut rajouter des dessins intermédiaires, on refait un line-test, on va refilmer. Et si ça colle, on peut continuer et on va le mettre en couleur à ce moment-là. On peut aussi maintenant, il y a des nouveaux ordinateurs, des nouvelles tablettes graphiques, où on dessine directement sur l’écran.
CA: Allez, on va parler carrière peut-être avec cette question de Luna.
P: Comment on fait pour être engagé comme dessinateur pour un dessin animé ? Quel niveau de dessin il faut avoir ?
FN: _En France surtout, il y a actuellement, il y a beaucoup d’écoles qui ont été créées. On a des très bonnes écoles d’animation. On est probablement le meilleur pays au niveau des écoles d’animation, en quantité et en qualité.
CA: Quel conseil vous pourriez donner à nos jeunes interviewers qui sont en CM2, qui se disent tiens, moi j’aimerais bien un jour être dessinateur d’animation. Est-ce qu’il faut prendre des cours de dessin ? Comment ça se passe ?
FN: Aujourd’hui, dans tous les cas, il vaut mieux prendre des cours de dessin. Mais si on veut plutôt faire de l’animation 2D dessinée, il faut travailler le dessin le plus possible pour la représentation graphique. Le dessin aussi bien de personnage que d’environnement, de décor, un des environnements intérieurs, l’intérieur d’une pièce, être capable de dessiner en perspective des rues. L’autre facette, c’est la 3D, l’animation 3D. Je pense que c’est quand même utile de dessiner. Pour concevoir tout ce qui est autour de nous aujourd’hui, il faut le savoir que ça a été dessiné avant. En 3D par exemple, on peut se permettre d’apprendre l’animation dans des écoles spécifiques en 3D sans trop connaître le dessin. Mais dans ces cas là, on aura un peu du mal à concevoir des personnages.
CA: Allez, on termine par cette question d’Asako.
Asako: Est-ce que c’est compliqué de trouver des musiques qui vont avec l’image ou le film ou le thème?
FN: Le cas des musiques, c’est un cas très particulier en cinéma, peut-être plus encore en cinéma d’animation, parce qu’on a souvent des demandes où on doit animer les personnages en rythme sur des chansons ou qui doivent danser, par exemple. En animation, la musique est souvent enregistrée avant. Avant d’animer les personnages.
FN: C’est la musique avant le dessin. On dit qu’on anime sur détection. Donc en fait, on doit avoir la musique d’abord pour pouvoir détecter le son. On fait une détection du son à l’image. C’est-à-dire à chaque image, on va savoir quels sont les temps forts, le tempo de la musique et on va caler le rythme des personnages sur ces détections.
CA: Mais quelle est la plus grande réussite de ce point de vue ? À quel film d’animation vous êtes dit “Tiens, vraiment là, il y a une adéquation entre la musique et le dessin” ?
FN: _On peut citer un vieux film. Ça va être Fantasias.
CA: On va en profiter pour conseiller à nos interviewers de voir ou revoir Fantasias, qui sait. Merci beaucoup Frédéric Nagorny. Merci également Estelle Faure qui a recueilli les questions de nos élèves aujourd’hui pour France Info Junior. Et puis n’hésitez pas à aller faire un tour au Festival d’animation si vous êtes du côté d’Annecy, Festival qui a lieu jusqu’à samedi prochain.